lundi 14 janvier 2013

Le fléau palme ??

Récemment, nous avons été assaillis de soi disant experts dans tous les médias qui justifiaient la taxation de l’huile de palme pour des raisons de santé publique. Nous vous proposons ci-dessous un petit cours de biochimie pour clarifier certaines choses et éviter quelques raccourcis rapides.
Rappel de biochimie : une insaturation est une double liaison carbone dans la chaine de carbone qui compose un acide gras. Plus il y en a dans une huile, plus elle est fluide à température  ambiante.

Pourquoi en trouve t-on partout ? 

Noix de palme, utilisées pour fabriquer l'huile
En plus d’être l’huile la plus rentable sur le marché, l’huile de palme et une graisse concrète, c'est-à-dire qu’elle est solide à température ambiante. Son point de fusion (quand elle devient liquide) est élevé car elle est riche en acide gras saturés (AGS). Cette propriété, combinée à  sa pauvreté en acide gras polyinsaturés (AGPI, 10%), lui confère des avantages bien intéressants : elle ne s’oxyde pas et reste stable à la cuisson. Ca évite le recours à l’hydrogénation et l’emploi de Matières Grasses Végétales Partiellement Hydrogénées (MGVPH) dans l’alimentation industrielle. Il s’agit d’une opération technologique réalisée à haute température pour désaturer les AGPI, instables, de la plupart des huiles végétales. Désaturer signifie ajouter deux hydrogènes à un corps gras pour passer d’une double liaison carbone à une simple liaison. Mais lors de la réaction, les autres doubles liaisons de l’AGPI passent d’une configuration  « cis », où les deux hydrogènes sont du même côté, à une configuration « trans ». Ceci entraine la disparition de l’angle préalablement existant de cet AG et le rend linéaire. C’est cette isomérisation qui entraine une augmentation du taux de LDL (mauvais choléstérol) et donc du risque de maladies cardiovasculaires !  

Voilà, nous espérons que vous avez saisi pour quoi les industriels ont le béguin pour l’huile de palme…

Revenons à nos AGS diabolisés par la société. L’huile de palme en contient 50%, essentiellement de l’acide palmitique. Il reste quand même 50 % d’AGI dont 40% d’AGMI (mono insaturés). C’est cette forte teneur en AGS qui révolte tant de monde! Remarquez que malgré ce taux élevé, elle reste bien moins riche en AGS que le beurre et le beurre de cacao, qui sont des corps gras couramment consommés … Si nous nous intéressons à ce qui se passe dans nos intestins, nous verrons qu’il n’y a pas de quoi s’affoler. Le débat se situe au niveau de la position des AGS de l’huile de palme sur le glycérol des triglycérides alimentaires que nous ingérons. En effet, la biodisponibilité des acides gras diffère selon leur emplacement sur le glycérol. Les AGS de l’huile de palme se situent en position 1 et 3 (sur les côtés), alors que 87% des AGI sont sur la n°2 (au milieu). La position 2 confère la meilleure biodisponibilité car lors de l’hydrolyse intestinale, les AG périphériques vont être hydrolysés et partir en AG libres ; ils ne sont pas forcément absorbés. Ils peuvent même réagir avec du calcium pour former des savons insolubles qui sont éliminés. En position 2, ils sont absorbés en monoglycéride. Pour l’huile de palme, la position 2 est principalement occupée par l’acide oléique qui est essentiel pour la santé.

Bref, nous vous laissons conclure sur le raccourci classique huile de palme = AGS = cholestérol très fortement médiatisé. 

L’huile de palme contient aussi des composés mineurs appréciables. Elle a une forte teneur en caroténoïdes (plus que la carotte), révélée par sa couleur rouge à l’état brute. C’est aussi l’huile la plus riche en tocotriénols (505 mg/kg) et elle contient donc une quantité importante de vitamine E (693 mg/kg contre 176 mg/kg pour l’huile d’olive et 547 mg/kg pour l’huile de tournesol). Lors du raffinage, elle est décolorée, désodorisée et perd en nutriments, bien que la teneur en tocols reste très bonne.

Qu’en est-il de l’effet de l’huile de palme sur le profil lipidique et le cholestérol ?

D’après plusieurs études qui coïncident,  elle contribue à l’élévation du taux de HDL (mauvais cholestérol) mais beaucoup moins que le beurre, le lard, l’huile de coco et les MGVPH. Elle participe aussi à l’augmentation du taux de LDL (bon cholestérol), du moins autant que l’huile de l’olive et plus que l’huile de soja. Cette double augmentation n’est pas encore bien interprétée.

Nous en venons donc aux conséquences sur la santé cardiovasculaire…

Il est difficile aujourd’hui de prouver le lien entre AGS et augmentation de risque cardiovasculaire. Il y a en fait très peu d’études épidémiologiques qui soient franchement fiables. Nous avons quelques études d’observation anciennes et d’interventions, mais aujourd’hui il est interdit de payer des gens pour leur faire ingurgiter des graisses saturées et tester les effets 15 ans après !
 Globalement les quelques études d’observation menées au Japon et dans les pays méditerranéens montrent que les AGS sont faiblement associés au risque cardiovasculaire, l’hypothèse étant qu’il existe des facteurs de protection. Il y a même une étude qui a été menée sur 1900 hommes qui consommaient des AGS en grande quantité beaucoup (en moyenne 3183 +/- 974 calories/jour, jusqu’à 6000 calories/jour, soit 24% AGS !). Et bien le risque de décès coronarien était lié de manière très peu significative  à ces apports alimentaires ! Enfin, une méta analyse réalisée sur 21 études d’observation ne révèle pas que les apports d’AGS sont associés à un risque accru de maladies cardiovasculaires.
Les  différentes études d’intervention quand à elles, lorsqu’on pouvait encore faire des suivis, ne se rejoignent pas toujours sur les résultats : si certaines concluent à des bénéfices cardiovasculaires nettes suite à la réduction radicale des AGS, d’autres montrent des résultats négatifs ou neutres.
Alors les graisses saturées, ce n’est pas bon ? Nous dirons que beaucoup de graisses saturées, ce n’est pas bon ! C’est le style alimentaire qui compte : en France, on consommait avant beaucoup AGS : 16% d’AGS sur l’apport énergétique totale, ce qui est plus qu’en Allemagne et au royaume uni. Pourtant, le risque cardiovasculaire y est inversement moins élevé… Les AGS ne sont donc pas la seule cause !

Et l’huile de palme dans tout ça ? 

En France, la consommation apparente aurait augmentée jusqu’en 2006  puis diminuée jusqu’en 2009, ce qui ferait environ 2,6 g/jour/personne d’huile de palme soit 1,3 g AGS. Et la consommation apparente est généralement supérieure à celle réelle. Sachant que nous consommons environ 25 g/j d’AGS en France, ça laisse de la marge !
Et puis encore une fois, il ne s’agit pas seulement de consommer de l’huile de palme. Tous les facteurs de risques sont associés à un style alimentaire.

Il y a peu de chances pour que l’huile de palme devienne la seule huile de consommation car elle possède certains inconvénients. Par exemple, elle contient très peu d’AG à chaines courtes ce qui la rend peu digeste, contrairement à l’huile de coprah. Il nous semble donc important d’aller vers la diversification. Il y a également de sérieuses améliorations à apporter sur le raffinage, pour mieux conserver les caroténoïdes que l’huile de palme contient.

En conclusion : rien n’est parfait, surtout les huiles en général, et l’huile de palme n’a pas plus de tares qu’une autre…alors blâmer l’huile de palme pour ses effets néfastes sur la santé humaine, afin de mettre en avant les désastres écologiques provoquées par sa production, c’est purement et simplement un paralogisme ! Les enjeux sociétaux et environnementaux sont un tout autre débat.

Si vous craignez tant pour votre santé : revoyez plutôt votre consommation de viennoiseries, beurre, viande, fromage et gâteaux en tout genre.

1 commentaire:

  1. C'est clair que le vrai débat sur l'huile de palme concerne surtout la déforestation que la culture de palmiers à huile engendre... Si on prenait en compte les effets du changement d'impact des sols dans nos petits bilans gaz a effet de serre, l'Europe ne validerait jamais la consommation de cette huile, car elle est bien loin de remplir nos exigences environnementales... Malheureusement ce n'est pas encore le cas. En attendant, je recommande le régime sans Nutella!

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