lundi 11 mars 2013

Bougie or not to be

"Mais pourquoi manifestez vous, il n'y a jamais eu d'accidents nucléaires en France ! ". Cette exclamation un peu agressive nous vient d'une jolie bouche peinte en rouge. Une américaine sur ses hauts talons, avec quelques centimètres de fond de teint sur la truffe nous dévisage, étonnée.

"Faux !" lance quelqu'un dans la chaine. Et il raconte. Saint Laurent des Eaux, 1969 et 1980. La Loire a été contaminée...qui le sait ? Pas grand monde. Sur cette répartie bien placée et instructive, nous continuons notre chemin en nous tenant par la main. Nous sommes à Paris, ce 9 Mars 2013, et une armée de milliers de Pikachu défile dans les rues de la capitale en hurlant des slogans antinucléaires. Tout un symbole, deux ans après Fukushima.

Mais que se cache t-il derrière le nucléaire ?

Tant de choses à aborder: les effets sur la santé de la radioactivité, la pollution, les déchets qui s'accumulent, la Hague, les coûts économiques pour renforcer la sécurité des centrales et leur démantèlement. Rien n'est jamais simple, mais la question du nucléaire est d'une complexité inextricable, mêlant des enjeux de santé publique, environnementaux, politiques, économiques et énergétiques.

En France, 75% de notre électricité provient de l'activité nucléaire. Plusieurs personnes ont soulignés l’opacité dans laquelle le monde atomique est plongé: c'est le côté obscur de la force, surtout avec nos 58 réacteurs nucléaires. Cette méconnaissance est d'autant plus inquiétante que la radioactivité est invisible. Inodore et incolore, elle se balade gaiement un peu partout, dans l'inconscience collective la plus totale. Le CRIIRAD réalise des travaux très intéressant sur le sujet, où l'on découvre que beaucoup de régions en France ont des taux de radioactivité très excessifs, notamment dans les anciens sites miniers. On oublie souvent aussi les essais qui ont provoqué des retombées radioactives d'importance majeure et toutes les conséquences qui vont avec.

Les quelques accidents catastrophiques qu'il y a eu (Fukushima, Tchernobyl) et la seconde guerre mondiale ont marqué durablement les esprits. Pour autant, on ne renonce pas à cette énergie nucléaire dont le potentiel destructeur a été largement mis en évidence. Au delà du débat énergétique, humainement, comment peut on tolérer un tel risque ? L'attirail nucléaire s'avère quand même être une arme de destruction massive et qui pourrait être concrètement à l'origine de l'extermination de l'espèce humaine. Si on se positionne également à l'amont de la chaine, qui se préoccupe des ouvriers nigériens qui passent leur journée à extraire de l'uranium, surement devenus radioactifs depuis le temps ? Surement pas Areva.

On n'en est pas sorti. Surtout quand les différents bureaux d'étude et scientifiques pondent des rapports complètement différents. Les uns sont pro-nucléaires (scénario Négatep, AEPN, SLC...) prétextant que c'est un moyen de lutter contre le changement climatique. Ils oublient tout le reste. En plus, seulement 3% de l'énergie mondiale est produite par des centrales nucléaires. Combien de centrales faudra t-il construire pour prétendre à concurrencer les énergies responsables de l'effet de serre ? Les autres sont antinucléaires (scénario négaWatt, greenpeace, SDN, GSIEN...) et ne jurent que par le développement des énergies renouvelables. Solaire, éolien, biomasse et hydraulique.

Le débat énergétique n'a jamais été aussi intense, à l'heure où la disparition prochaine de l'or noir fait frémir la terre entière.

Quelles solutions ? Elles sont multiples: développement de l'écoconstruction, isolation des bâtiments, moins de gaspillage pour déjà limiter la consommation. Ensuite, d'autres énergies existent, leur mise en place ne doit pas coûter plus cher que le maintien du nucléaire cumulé à ses impacts dévastateurs sur les hommes et l'environnement.


Franchement, si on pensait un peu plus à l'intérêt collectif sur le long terme, et un peu moins à l'économie sur le court terme, le choix est vite fait...et il ne s'agit pas de revenir à la bougie !

Pour plus d'infos: Terre à terre nous offre une ribambelle d'émissions sur la thématique du nucléaire.




vendredi 8 mars 2013

Salon de l'agriculture: 50ème édition !

Ah c’est merveilleux ce petit salon, toujours au rendez vous pour les vacances de Février ! 

Visite express, 3h à peu près. Plus, ce n’est pas possible de toute façon, c’est un coup à devenir fou. Entre le bruit, les odeurs et la foule oppressante, on ne sait pas où se mettre pour avoir un instant de répit. Nous avons filé entre les couloirs, nous faufilant entre les gens qui pour la plupart ne regardait pas où ils mettaient les pieds, obnubilés par la foison de stands qui les entouraient. 

En résumé, ce salon était une véritable célébration de l’agroindustrie où l’on pouvait observer  une masse grouillante de visiteurs qui engloutissait sur leur passage toute substance liquide ou solide potentiellement comestible. 

Nous avons commencé par le pavillon 2, celui des productions végétales. Oh grandeur et stupéfaction, à peine rentrées, nous avons constaté que les trois quarts des stands étaient des commerciaux qui vendaient du maquillage durable, des vases écobidules, des sécateurs derniers cris ou des chaises en bois impérissables. Et au centre, une « ferme » improvisée, pour que le public puisse voir ce que c’est, d’être agriculteur. Alors, au lieu de mettre un tracteur sympa avec une petite herse, ils nous ont quand même mis au milieu de ce bazar THE moissonneuse batteuse haute technologie, un espèce d’énorme monstre rouge avec des tuyaux partout qui occupe à lui seul le quart de l’espace, trônant sur un parterre de blé. Magnifique.

A côté une fausse vache multicolore qui mange du soja, avec un petit écriteau où il y a marqué « Pour que la vache soit belle, elle doit manger du soja » ou quelque chose dans ce genre. Sans commentaires. Nous avons aussi vu un beau stand de LU, pour représenter la transformation des céréales. Juste une question comme ça, pourquoi est ce qu’on n’avait pas plutôt quelques boulangers pour nous montrer la transformation du pain… ? Et puis le stand gigantesque des brasseurs de France, avec une espèce de cruche avec des gros nœuds dans les cheveux comme animatrice, incapable de répondre à nos questions pourtant très simples. 

Nous passons dans le pavillon des bovins avec un peu d’appréhension. Et là on a failli devenir aveugle, devant l’énorme logo de Mac Donald. C’est bien simple, on ne voit que lui. Ah Mac Do, exemple incontournable de traçabilité, en plus ils vont s’approvisionner en patates franchouillardes. Il leur fallait bien un « petit » stand ! Une fois la vue retrouvée, nous avançons tant bien que mal, ou plutôt nous nageons dans la marée humaine de juvéniles courants partout pour toucher les vaches. Pour le coup, toutes les races doivent être représentées étant donné la quantité d’animaux qu’il y a. Nos amis bovins sont magnifiques dans leur robe rasée de près. Devant le regard hagard et l’infinie tristesse émanant de leurs grands yeux, on devine le désarroi de ces pauvres bêtes. Il semblerait que certaines d’entre elles soient shootées vu le calme olympien avec lequel elle supporte leur condition. Voilà, nos jolies vaches de France, condamnées à faire les tops modèles pendant une semaine. 

Au pavillon des équins : rebelote.
Au pavillon des régions : mangeaille, charcutailles, fromages et vins en abondance.
Au pavillon « Agricultures et délices du monde » : les délices du monde sont bien représentés, il y a des restaurants partout mais alors pas l’ombre d’un stand agricole…
Au pavillon des services et des métiers de l’agriculture : il y a UN stand bio. Pas mal ! Sinon, on a un bel éventail des filières agricoles et des organisations professionnelles agricoles.

La seule chose de positive de ce salon, c’est le nombre d’animations organisées pour les enfants. Il y en a à quasi tous les stands, pour leur faire découvrir les produits de l’agriculture et le monde agricole.

Nous sommes donc plutôt déçues. Comment peut on donner une image de l’agriculture pareille ? Elle est complètement décalée avec la réalité. L’agriculture française ne représente que 3% du PIB français et nos importations de denrées agricoles ont de loin dépassé les exports. Que peuvent bien se dire les gens qui sortent de ce salon ? Que l’agriculture française est un secteur d’avenir ? Qu’ils sont rassurés après avoir vu toutes ces entreprises certifiant qu’on pouvait leur faire confiance ? 

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Ce salon ne permet pas absolument pas au grand public de se poser les bonnes questions concernant les pratiques agricoles toujours en vogue, la biodiversité, les dérives de l’agroalimentaire etc. Bien sur que cela doit être un moment « détente » et de découverte, mais pourquoi nous empêche t-on de réfléchir ? Nous sommes tous concernés par ces problématiques. On nous vend du rêve, et on se précipite pour l’acheter.

vendredi 1 mars 2013

Quand la pieuvre urbaine engloutira l’espace agricole…

…nous espérons qu’elle n’aura pas d’indigestion. 

N’allons pas aux agriculteurs, ils viendront à nous. Peut-on compter sur l’agriculture urbaine pour nourrir la part de la population qui vivra en ville en 2030, soit 75 % de la population mondiale?

fao.org
Elle semble être pleine de promesses. En 1996, on estimait que 800 millions de personnes avaient une activité liée à l’agriculture urbaine. Dans les pays du Sud, la situation est beaucoup mieux connue que dans ceux du Nord et c’est une avalanche d’exemples que l’on pourrait citer. Certaines villes s’autoalimenteraient de 60% à 100% en produits frais. Au Nord, quelques pays sont plus avancés que d’autres dans cette réflexion. Dans nos contrées françaises, avant d’avoir une vocation alimentaire, c’est surtout la création d’un lien social qui pousse depuis quelques temps les gens à partager un jardin, en attendant d’investir les toits dans quelques années. C’est finalement assez récent. Il ne s’agit pas encore réellement d’agriculture, on en est encore au stade de jardinage. Une sorte de manière d’échapper à la solitude urbaine, parce que pour le moment, l’approvisionnement de nos villes modernes est loin d’être la première de nos préoccupations. Mais si on y réfléchit, c’est vrai qu’il y en a de la place. Entre ronds points, parcs, jardins, toits et bâtis, toute surface qu’elle soit horizontale ou verticale peut être exploitable pour y faire pousser le moindre haricot.

Ainsi, l’agriculture s’intégrera dans le métabolisme urbain.
Tout cela amène à repenser notre conception de l’agriculture, de la nature et de la ville. Agriculture urbaine…plutôt paradoxale comme expression, non ?

Les villes sont le gouffre de l’espèce humaine. Parce qu’on y dépérit. La ville, par son essence même, est stérile. En grignotant les espaces urbains autour d’elle pour s’agrandir, elle devient même stérilisatrice. En y ajoutant la pollution qui y règne, du sol et de l’air, difficile de croire que la ville aura un jour une fonction agricole. Mais même avant de parler d’agriculture, peut-on déjà parler de nature en ville ? Bien que l’agriculture ne soit pas « naturelle », dans le sens où c’est une invention de l’homme, on peut se demander où il pourrait bien y avoir un brin de nature en ville. Les espaces verts ne sont que des artifices colorés pour tromper l’imagination des hommes.

Une agriculture urbaine sera donc forcément une agriculture encore plus artificielle que celle de nos campagnes. Pas de terre, pour commencer. Quels substrats pour nos tomates ? L’hydroponie est au goût du jour. Avez-vous déjà mangé des tomates hydroponiques -ou pétrotomates ? Ah mais surement, puisque 95% des tomates vendues en France le sont. Vous ne vous en souvenez pas ? C’est normal, elles n’ont aucun goût. On peut espérer cependant que l’on pourra créer des substrats organiques à partir de nos déchets ménagers. Il y a du potentiel vu le gâchis.

Robotbuzz.fr
Ensuite, si on se réfère aux spéculations de quelques paysagistes et architectes futuristes, l’agriculture urbaine ne pourra pas se faire sans construction de fermes verticales. En terme d’espace, l’horizontal ne suffira pas. Il y en a, des projets sur le sujet ! Ca a commencé un peu…et c’est extrêmement énergivore. Parce qu’on se retrouve avec des systèmes qui ne peuvent pas utiliser la lumière du soleil, vous savez, ce truc gratuit et inépuisable que les végétaux utilisent depuis des millions d’années. Et oui, il y aura des lampes rien que pour nos petits légumes. Et puis, ils y voient grands nos architectes, on pourrait y mettre des arbres et aussi des animaux…

Voilà on nage dans l’océan du délire. Ca sera peut être mieux que d’avaler des petites pilules alimentaires dans 100 ans. Au moins là, elles seront camouflées par nos tomates.

Mais ceci est le scénario le plus pessimiste que l’on puisse concevoir, juste parce que le propre de l’homme c’est de faire un peu tout et n’importe quoi. L’agriculture urbaine pose beaucoup de questions. Restons positifs ! Face aux multitudes de petites initiatives qui naissent chaque jour un peu partout, l’espoir  que la conscience collective ne laissera jamais faire ça est réel. Si on ne se précipite pas et qu’on réfléchit à de tels investissements sur le long terme, il n’y a pas de raison de finir dans la matrice. Rien qu’autour de vous, il y a des AMAP et des jardins partagés à foison. Allez y faire un tour, découvrez, partagez, profitez ! Peut être que vous serez alors convaincu qu’une agriculture urbaine saine est possible, à condition que tout le monde y mette son grain de sel.